Les oublies du penitencier national

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En Haïti, n'importe qui, coupable ou non, peut se retrouver derrière les barreaux et y croupir des années sans avoir été déféré devant un juge. Au Pénitencier national de Port-au-Prince, plus de 95% des quelque 3 000 détenus attendent que la justice se prononce sur leur sort.

P U B

Gérard, 30 ans, a été jeté en prison sans ménagement en juin dernier.

Le propriétaire de la maison de commerce où il travaillait l'a soudain accusé de vol. Le jeune homme - qui clame encore son innocence - s'est retrouvé, désespéré, parmi une vingtaine de détenus dans une cellule étouffante du Pénitencier national.

L'enfer.

Plus de 3 000 prisonniers - pour une capacité nominale de 432 places, selon les normes internationales croupissent dans l'établissement de la rue du Centre, à deux pas du Palais national.

« La situation est inquiétante, pour ne pas dire dramatique, confirme Louis Joinet, le rapporteur des Nations unies pour les droits de l'Homme en Haïti. Des lieux vétustes, le plus souvent insalubres, dépourvus d'eau potable et sans réels soins médicaux.

» Ajoutez à cela la chaleur suffocante, les mouches, la puanteur, la promiscuité, les pitances infectes, les vers, la gale, la tuberculose, la diarrhée, la gastro-entérite, le béribéri, etc. Environ une vingtaine de détenus meurent ainsi de maladie par an.

Heureusement, Gérard a recouvré sa liberté au bout de six jours, après l'avoir littéralement achetée. « Mon avocat a finalement accepté les 25 000 gourdes (environ 750 $US) que ma femme a rassemblées de peine et de misère », raconte l'ex-employé, qui ne gagnait que 1 250 gourdes ( moins de 40 $US) par mois.

Le peu de temps passé derrière les barreaux a néanmoins ruiné sa vie. Ayant dû vendre tout ce qu'il possédait pour sortir de la prison, il peine aujourd'hui à survivre.

Son garçon de cinq ans ne va pas à l'école et, depuis trois mois, il diffère le paiement de son loyer et accumule des dettes ça et là.

Gérard s'estime néanmoins chanceux.

Il n'a pas tort. Il pourrait aujourd'hui être à la place du fils unique de Marie André, une sexagénaire qui habite un bidonville situé sur les hauteurs de la capitale antillaise de la misère. Ecroué depuis deux ans dans une cellule surpeuplée et mal ventilée, le jeune homme est accusé d'avoir apporté un peu de drogue à une détenue de la prison civile de Pétion Ville.

Il n'a personne pour le défendre.

Son sort est à la merci des autorités judiciaires, qui traînent manifestement les pieds.

« On me demande d'attendre, explique sa mère en maudissant le destin.

Et tous ses amis lui ont tourné le dos. » Continuer >

171; Quelqu'un a accusé mon mari d'avoir kidnappé une dame du quartier et les policiers sont venus l'arrêter tout de suite, sans mandat », se plaint une frêle dame qui attend, un plat de nourriture à la main, qu'on la fasse entrer.

Une autre, parmi les dizaines de femmes qui se pressent chaque jour à la même heure devant l'établissement de la rue du Centre, enchaîne: « Je ne sais même pas pourquoi mon mari a été arrêté, il y a plus de six mois. »

La prison civile de Port-au-Prince - ainsi nomme-t-on le Pénitencier national - regorge de détenus arrêtés pour des peccadilles.

«Ce qui est navrant, c'est de voir des criminels notoires recouvrer leur liberté en un tournemain alors que des centaines de pauvres hères sont oubliés pendant des années », s'indigne Me Renan Hédouville, secrétaire général du Comité des avocats pour le respect de la liberté individuelle (CARLI).

Des centaines de personnes, jetées souvent sans raison dans des cellules surpeuplées sont accusées, sur simple dénonciation, de crimes aussi graves que le viol, le kidnapping, la détention illégale d'arme à feu, le vol, l'association de malfaiteurs, etc. Dans les cellules, ils se relaient pour dormir.

« Les plus faibles qui ne peuvent s'approprier une place se résignent à passer la nuit accroupis », dit un ex-prisonnier.

Pauvres parmi les pauvres, ils ne trouvent personne pour les défendre.

Qu'ils soient innocents ou coupables, condamnés ou non, leur destin est tracé d'avance: des années de prison pour rien. Plusieurs n'en reviennent pas. « Certains présentent des comportements anormaux qu'on peut assimiler à la folie », révèle un psychologue.

Une commission consultative sur la détention préventive prolongée créée l'été dernier et inopérante depuis estimait que 90% des détenus n'avaient personne pour les défendre...

« La précarité économique de la population carcérale est la seule explication au phénomène », estime Me Renan Hédouville.

Le système d'aide légale qui, en principe, devrait aider les familles pauvres à trouver un avocat pour défendre leurs proches, est lui aussi, inopérant.

« Le système judiciaire haïtien n'offre que deux alternatives: la prison ou la liberté, confirme Danielle Saada, chef de la section justice à la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti. Des peines substitutives telles que le travail communautaire et le contrôle judiciaire pourraient éviter à nombre d'entre eux de subir une telle injustice.

» Plus facile à dire qu'à faire, vu l'état lamentable du système judiciaire haïtien.

Mal formés, mal payés, mal équipés, certains juges nommés sans souci de leur compétence ou carrément en fonction de leurs accointances, ne font que ravaler la justice haïtienne.

Chose certaine, le sort des détenus est le dernier de leur souci.

Nos efforts pour rencontrer les autorités judiciaires afin d'avoir leur version des faits se sont révélés vains.

Jean Pharès Jérôme
pjerome at lenouvelliste.com

Stupide Droits Humains Nouvelliste, October 28 2007, 11:02 AM

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Ou etait ce section des droits humains pour les nations unies quand ces bourreaux, ces criminels et ces kidnappers... read more >
Droitshumainsquietdown, 28-Oct-07 11:17 am
Monsier Lous Joinet, En qualite de rapporteur pour les nations unies, section des droits humains, je vous conseillerai... read more >
Quietdowndroitshumains, 28-Oct-07 4:55 pm

 

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