HOMMAGE AU CITOYEN INCONNU 'Il nous faut des hros vivants!'

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Source: haitienmarche.com

HOMMAGE AU CITOYEN INCONNU
'Il nous faut des héros vivants!'
PORT-AU-PRINCE, 22 Mai - On sait que notre pays manque cruellement de cadres.

On le déplore tous les jours.

Mais suffirait-il d'en avoir pour que le problème soit résolu?

Rappelons-nous cette maxime apprise en classe primaire: Science sans conscience n'est que ruine de l'âme!

Autrement dit, il faut les deux: Science et conscience.

De compter les plus grands cerveaux de la planète depuis plusieurs siècles n'a pas empêché l'Allemagne de sombrer dans le nazisme, la pire horreur de tous les temps.

Et il y a tout juste un demi-siècle.

Ce dont un pays a besoin en premier lieu pour mieux garantir son avenir c'est, tenez-vous bien, du simple citoyen.

Avant la maitrise de l'énergie nucléaire.

Avant les grandes écoles.

C'est ce qu'ont compris les Etats-Unis et qui est si bien magnifié dans le film de Mel Gibson 'The patriot'.

Ainsi que, paradoxalement puisque ce sont deux systèmes qui s'opposent, le Cuba de Fidel Castro dans son culte du 'pionnier'.

Cuba est une petite île, donc le symbole pionnier ne doit pas être pris au sens de conquête de l'Ouest ou d'un quelconque territoire immense, bref d'aucun esprit impérialiste, mais plutôt dans son sens plus profond de citoyen exemplaire; or c'est chaque citoyen qui doit être exemplaire pour faire une patrie.

L'arbre ne doit pas cacher la forêt.

Staline est honni autant qu'on veut mais il a donné à la grand-mère russe ses lettres de noblesse.

Pour lui ce ne sont pas les savants de la future Baikonour, base de lancement des spoutniks, qui ont fait la grandeur de l'URSS, mais c'est la babouchka, la grand-mère qui a eu à charge l'éducation des enfants, l'avenir.

Et chaque année était élue la 'babouchka de l'année

Tous les milliards du monde ...

Aujourd'hui qu'on promet à notre pays tant de milliards et toute la technologie du monde pour sa reconstruction, cela suffira-t-il pour sauver Haïti?

Non, et chacun de nous le sait au fond de lui-même.

Il nous faut faire renaitre le citoyen haïtien.

Tant vaut le citoyen, tant vaut la nation.

Il n'a pas entièrement tort celui qui a dit: un peuple a le gouvernement qu'il mérite.

Mais quel citoyen?

Secundo, peut-on faire renaitre ce qui n'a jamais existé?

C'est hier encore que plus des trois quarts de nos compatriotes vivaient dans un état plus près du serf du Moyen-Age que du citoyen d'une république indépendante (depuis 200 ans!), voire d'un Etat démocratique.

Et vous constatez que je mets ici beaucoup de gants.

Cultiver des 'simplets' ...

Mais comment parler de simple citoyen (car c'est ce qui fait le sujet de notre réflexion) quand le système a choisi de cultiver de préférence des 'simplets'!

Et quand l'exemple donné ce n'est ni le pionnier, ni le patriote, voire Lénine qui disait 'chaque cuisinière doit apprendre à diriger l'Etat.'

En effet, l'astuce du système est de nous placer en face d'un parallèle difficile sinon impossible à atteindre: le culte du grand homme.

En plaçant la barre aussi haut, le simple citoyen n'a aucune chance de sortir de sa banalité, de son néant. Et qui est effectivement le rôle qui lui est assigné.

Toussaint Louverture, Dessalines, Capois-la-Mort, Pétion, Christophe, certes, mais ce sont des êtres hors du commun.

Or comment se comparer à ce qui n'est pas comparable?

On n'a pas le choix.

C'est Capois-la-mort ou rien!

Garat, la sentinelle qui fit feu ...

Regardez le monument dressé à Savannah, Georgia (Etats-Unis) aux Chasseurs volontaires, ce bataillon parti de Saint Domingue, la future Haïti, pour participer à la lutte pour l'indépendance américaine.

On y voit Henry Christophe, le futur roi d'Haïti, dans son rôle de tambour-major, petit gars de 16 ans, c'est l'équivalent du mousse dans la marine.

Dans les monuments en Haïti, combien rendent hommage au petit soldat.

Connaissez-vous un seul portrait de Garat, la sentinelle qui fit feu sur les troupes américaines débarquant à Bizoton lors de la première occupation d'Haïti par les Etats-Unis d'Amérique (1915-1934).

Notre Histoire ignore le simple citoyen.

Or un pays peut se procurer les plus grands cerveaux.

La plupart des Nobels américains sont des expatriés d'Europe.

Et ce n'est pas le seul fait que nos cerveaux à nous continuent de s'expatrier qui fait problème. Les grands cerveaux c'est comme le proverbe: qui se ressemble s'assemble.

Non, le vrai secret de la force d'une nation, et dans notre cas de son existence même, c'est le simple citoyen

Des gestes très simples ...

Comment se reconnaît ce dernier?

Il aime son pays de toutes les fibres de son être. S'il doit le laisser c'est avec beaucoup de peine.

Comme dans la chanson de Othello Bayard (1920), Souvenirs d'Haïti, communément appelée Haïti chérie.

Et c'est pour revenir y vivre à la première occasion.

Le simple citoyen se reconnaît par des gestes très simples, comme l'est l'amour vrai, l'affection véritable, ça ne se décrit pas, ne fait pas les grands titres.

Il est attaché viscéralement à sa terre.

Pour le meilleur et le pire. Les bons comme les mauvais moments.

Il ne se considère pas pour autant plus patriote qu'un autre, ni plus pressé de payer ses obligations fiscales, il ronchonne constamment contre les pouvoirs publics, bref il est un simple citoyen.

(Au masculin comme au féminin, bien sûr

Symbole des 300.000 qui ont perdu la vie ...

Mais pas un citoyen simple.

Parce que lui considère qu'il n'a qu'un seul pays, c'est Haïti, et que son pays est le plus beau de la terre ...

parce que chaque pays est unique.

Et voilà.

Et c'est ce qui nous fait le plus défaut aujourd'hui et qu'il nous faut rebâtir. Ce sens de la citoyenneté haïtienne.

Reprenons: ce sens de la citoyenneté haïtienne comme unique parmi toutes les autres qui composent la grande citoyenneté universelle mais chacune d'elles unique en soi. On ne peut être citoyen du monde, comme certains prétendent (avec plus ou moins mauvaise conscience, qui sait), sans l'être d'abord de quelque part. Comme Mauriac notant (et annotant) ceux qui ont fait cent fois le tour du monde mais pas une seule fois le tour de soi-même!

Conclusion: il faut donner chez nous aussi au simple citoyen la place qu'il mérite.

Et c'est la première.

Comme disait ce poète haïtien des années 50 (lui aussi probablement disparu dans les geôles de nos régimes sanguinaire): 'il nous faut désormais des héros vivants'.

Les véritables héros et héroïnes sont parmi nous. On le sait aujourd'hui. Alors pensons et agissons en conséquence.

Et ce serait le meilleur hommage au citoyen inconnu, symbole des 300.000 qui ont perdu la vie le 12 janvier dernier.

Marcus, Haïti en Marche

The Dark Knight, May 26 2010, 3:35 PM

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