Capital pour la Construction Manque au Rendez-Vous

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Haïti, le Plus Grand Capital pour la Construction Manque au Rendez-Vous
Par Ray Killick.

Frappé le 12 janvier 2010 par un séisme dévastateur causant au dernier décompte 217.000 morts et des dégâts matériels évalués jusqu'ici à $14 milliards, Haïti est aujourd'hui plus que jamais dans son histoire un cas qui concerne l'humanité tout entière. C'est tout un monde qui, se soulevant à l'unisson, accueille ce peuple dans ses bras pour une accolade de milliards de dollars d'assistance avec le chant de la présence forte à nos côtés: "We are the world...".

Cependant, s'agit-il du premier capital dont Haïti a le plus besoin à ce tournant malheureux d'un bicentenaire d'existence tumultueuse?

N'y a-t-il pas un capital qui fait défaut, et qu'Haïtiens et étrangers n'envisagent point dans leurs discours et leurs comportements?

Le plus grand capital pour la construction d'Haïti est un véritable casse-tête pour la communauté internationale et les Haïtiens.

Il est la confiance à investir dans le présent et dans l'avenir.

De quoi se compose la confiance ou crédibilité, et qui la possède?

UNE VALEUR MESURABLE
La communauté internationale ne devrait pas investir dans Préval et sa clique, mais pour éviter la déstabilisation politique et s'assurer certains résultats, celle-là encadre systématiquement le gouvernement de celui-ci avec des leaders et spécialistes étrangers.

Le net résultat d'une telle collaboration forcée qu'imposent les contraintes du moment est une lenteur dans l'exécution des plans et projets.

Cette lenteur est le premier coût du manque de crédibilité comme nous l'a enseigné Stephen Covey dans un de ses séminaires sur le leadership d'entreprise, "The Speed of Trust".

Le manque de crédibilité du gouvernement haïtien a également un coût économique en ce sens que l'aide fournie éventuellement n'est pas absorbable par l'économie haïtienne dont le faible écosystème qui est du ressort de la bureaucratie étatique ne répond pas au développement économique.

La compétitivité économique que devrait favoriser l'appareil d'État en mettant l'accent sur un cadre réglementaire adéquat et l'élimination d'obstacles inutiles "in doing business" est le cadet de ses soucis.

L'État rapace préfère ériger toutes sortes d'alibis bureaucratiques pour torpiller les entrepreneurs imberbes qui s'aventurent en Haïti.
En résumé, la crédibilité peut être mesurée par:
1) La rapidité avec laquelle les réformes institutionnelles et les projets s'exécutent au pays
2) Le nombre d'entrepreneurs qui arrivent et investissent; la qualité et le montant des investissements
3) La quantité d'aide directe de la communauté internationale au gouvernement haïtien sans passer par une tierce partie.

4) etc.
LES QUATRE COMPOSANTES DE LA CRÉDIBILITÉ
Selon Stephen Covey, la crédibilité est comme un arbre qui a des racines et une sève qui le nourrissent.

Pour lui, la crédibilité se compose de ces quatre éléments fondamentaux:
1) L'intégrité
2) L'intention ou motivation (agenda)
3) La capacité d'exécution
4) Les résultats
L'intégrité représente les racines de l'arbre crédibilité.

Sans elle, la crédibilité meurt rapidement.

Quand dans une relation de boss à employé, le boss promet de rémunérer l'employé pour un travail ou service rendu, et qu'il ne tient pas sa parole, agissant plutôt en "mèt dame", c'est dire que son intention fut dès le départ de tricher, et son intégrité se trouve ainsi détruite.

Dans le même ordre d'idées, quand le Groupe des 184 se fait le champion d'une cause sociale qu'il prétend promouvoir à travers un nouveau contrat social et qu'on n'entend plus parler de cette cause après le 29 février 2004, départ d'Aristide, il dévoile ainsi son intention réelle.

Le tronc de ce mouvement fut pourri à la base. Et les racines n'y étaient pas.
L'intention est le tronc de l'arbre.

Quand un leader politique a un agenda différent de celui qu'il feint de partager avec la communauté internationale et le peuple haïtien, l'arbre de la crédibilité ne peut se soutenir.

Et les résultats attendues ne peuvent être que décevants.

C'est ce que Roman Jakobson appelle le "defeated expectancy."
Covey fait de l'intégrité et de l'intention les composantes du caractère du leader de l'organisation.

Tout initiative de la société civile dépend du caractère de ceux qui la dirigent.

L'auteur de "Seven Habits of Highly Successful People" nous cite l'exemple d'Andy Roddick, le champion de tennis, qui s'approche de son adversaire, Fernando Verdasco, pour lui serrer la main après avoir officiellement gagné le match qui les opposait en mai 2004. Mais voilà qu'en s'approchant de Verdasco, Roddick s'aperçoit soudain que l'impact de la balle de la victoire est à l'extérieur du terrain en terre battue et non à l'intérieur.

Roddick se retourne alors vers l'arbitre pour lui dire qu'il n'avait pas gagné le match.

La partie est alors relancée, Roddick perd finalement, Verdasco jubile.

Cependant, si Roddick perd un match, il gagne pourtant l'estime de ses fans et du monde entier.

Qui parmi nous aurait eu le courage de Roddick de rejeter la victoire officielle et choisir la rectitude, la justice?

Roddick a fait preuve d'intégrité.

Le leader d'exécution ne déclare pas son caractère, il le montre en le vivant quotidiennement et surtout dans les moments difficiles.

Le leader d'exécution sait que la culture d'exécution n'est pas une expression creuse, car il la vit et fait vivre.

Il cultive l'intention honorable et l'intégrité indiscutable.

Le leader d'exécution a un comportement spécifique:
1) Il vit dans la transparence.

Ce qu'il dit et ce qu'il fait sont pareilles.

2) Il respecte les individus, les institutions
3) Il admet ses erreurs et sait les réparer
4) Il est loyal et cultive des principes pour lesquels il est prêt à tout sacrifier.

5) Il a un style direct qui inspire confiance.

Pour Covey, la deuxième partie de l'arbre de la crédibilité est la compétence.

Mais qu'est-ce que la compétence?

Elle se compose selon lui de:
1) La capacité d'exécution
2) Résultats
Une fois qu'on a l'intention déclarée et l'intégrité prouvée, on doit posséder la capacité ou discipline d'exécution pour réaliser les résultats.

La maîtrise de la discipline d'exécution permet de vivre une atmosphère qui elle-même facilite le développement du plan stratégique.

Ce leader choisit la planification stratégique pour développer des leaders d'exécution comme lui.
Si l'intégrité, l'intention et la capacité d'exécution sont des conditions sine qua non de la crédibilité du leader, de l'État, de la société civile, de l'entreprise privée, la dernière composante de l'arbre de la crédibilité est essentielle.

Il s'agit des résultats.

On ne peut inspirer la confiance sans accomplir des objectifs qu'on s'était fixés.
QUI POSSÈDE CE CAPITAL À INVESTIR EN HAÏTI?

Dans la danse des milliards, les esprits survoltés ne pensent plus qu'à leurs poches.

La majorité de ceux qui prêchent le changement possèdent la même culture qui a fait la perte de ce pays et fit qu'un tremblement de terre de 7.2 sur Richter ait causé plus de pertes matérielles et de vies humaines que le tsunami de Sumatra (Indonésie) ou d'autres tremblements de terre de la même magnitude.

Le triage qui doit se faire pour assurer une présence haïtienne crédible au timon des affaires pour la gestion responsable de l'édification d'un État-nation moderne représente un casse-tète pour ceux à qui revient cette tâche délicate.

Pourtant, il peut être plus facile qu'on ne le pense.

Tout dépend de la sagacité et de l'esprit de discernement des décideurs:
1) Où chercher?

2) Qui chercher?

3) Comment attirer et retenir les leaders d'exécution?

Un leader n'est pas nécessairement un manager.

Et un manager n'est pas nécessairement un leader.

La construction d'Haïti requiert pourtant les deux types.

Le leader est celui qui a la capacité de conduire l'État et la nation à réaliser de "grandes choses ensemble".

Il doit être un leader d'exécution que j'ai défini en plusieurs occasions depuis les 5 dernières années. On peut d'ailleurs consulter le livre Exécution de Larry Bossidy dont un CEO de coporate America qui l'applique religieusement dira: "On n'a qu'à lire ce livre et l'appliquer." Évidemment, il faut avoir l'intégrité, l'intention et la capacité pour ce faire.

Le leader d'exécution n'est pas nécessairement un VP, PDG, ou manager, il est cependant, le type d'individus qui dans une organisation frayent le chemin et conduisent VP, PDG, managers et employés vers des résultats solides avec intégrité.

On retrouve surtout ce type dans l'organisation privée où il a démontré une maturité à affronter la réalité avec des solutions pragmatiques, une vision de la totalité, de nombreuses expertises qui lui confèrent une versatilité et une flexibilité que requiert la tâche haïtienne du moment.

Sous l'égide du leader d'exécution, la bureaucratie étatique ne sera plus une extension de la machine politique d'un gouvernement, d'un président ou d'un premier ministre.

Attirer de tels leaders et les retenir nécessitent de grands sacrifices et une volonté politique de la part des décideurs:
1) Les rémunérer comme on rémunère les grands commis de la communauté internationale
2) Leur donner le champ libre pour travailler sérieusement avec la communauté internationale, le secteur privé haïtien, la république dominicaine, etc., dans l'intérêt du développement du pays et de l'émancipation des masses haïtiennes
3) Assurer leur sécurité personnelle, car le virage décisif vers un terrain neuf jamais exploré depuis 200 ans d'existence va faire de grands mécontents qui se verront obligés de livrer concurrence sur le marché de manière légale, perdre leurs monopoles, payer leurs taxes, observer la loi comme tout autre citoyen et la subir quand ils la violent, etc., pour la première fois.
4) Assurer que leurs besoins négociés soient satisfaits.

5) Leur faire confiance sur la base du mérite dont l'équation est: confiance méritée = intégrité + intention + capacité d'exécution + résultats.

6) Assurer que toute violation des termes négociés est passible de punition allant jusqu'à la prison.

7) Assurer qu'en cas de corruption, tout leader restitue à l'État ce qui lui a été volé et en subir les conséquences.

8) etc.CRÉDIBILITÉ PLUS CAPITAL FINANCIER
Sans l'investissement initial qu'est la confiance méritée en des leaders d'exécution haïtiens telle que définie par Stephen Covey et reprise ici, les milliards de dollars qui s'envoleront vers Haïti laisseront pour traces, des édifices flambant-neufs, des routes, des ponts, une nouvelle capitale, d'autres infrastructures dans les mêmes mains qui ont fait la perte de ce pays depuis 1804. Aucun plan stratégique ou opérationnel ne peut se matérialiser sans ce capital qu'est la crédibilité.

On ne construit pas en l'absence d'éthique, d'intégrité, avec des intentions faussées dès le départ.

La confiance méritée n'est pas la confiance aveugle.

Elle est une confiance conditionnelle qui se nourrit avant tout du caractère du leader d'exécution qui lui permet de se tenir debout.

La compétence doit être au rendez-vous également, car la capacité d'exécution et les résultats seront déterminants pour l'avenir d'Haïti, déterminants pour jouir de la confiance du peuple haïtien et de la communauté internationale.

L'arbre de la crédibilité se reconnaît à la qualité des fruits qu'il produit.

La communauté internationale ne doit pas faire d'Haïti du business as usual.

Le moment des grandes décisions est arrivé.

Si l'approche est médiocre, on ne fera qu'ajourner le problème haïtien qui sera et demeurera autant le problème des Haïtiens que celui de l'humanité.

Les Haïtiens ont une part importante à jouer dans l'édification d'une nouvelle Haïti. Cependant, il faut des Haïtiens crédibles qui soient à la hauteur de leurs interlocuteurs étrangers au timon des affaires.

La comédie a assez duré.

Il faut désormais tourner la page au moment opportun.

Max, February 26 2010, 5:08 PM

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